mercredi 27 mars 2013

À l'est d'Eden

Le grand chemin s'étire sous les grands arbres, serpente entre les collines, laissant sur ses côtés des tombes esseulées et ventrues regarder les passants rechercher la meilleure façon de marcher. Au milieu coule une rivière, juste un petit ruisseau qui bruisse et joue les modestes pendant par temps sec mais enfle pendant ma saison préférée aux pluies diluviennes. Point de roseaux sauvages mais d'énormes feuilles de taro et des buissons qui offrent à l'armée des singes un terrain de jeu inégalé et luxuriant. Parfois, un reflet attire l'oeil mais tout ce qui brille n'est pas or et c'est le médaillon brisé d'une photo sur une pierre tombale qui rappelle que quelqu'un, un jour, fut peut-être le fils préféré d'une maman éplorée. Lions, tigres et dragons même, veillent, imperturbables sur ceux qui eurent le malheur de voir leurs étreintes brisées par le destin mais reposent aujourd'hui côte à côte. Parmi les herbes folles, certaines tombes ont fourni leur contribution à la part des anges et, usées par le temps, s'affaissent, se fracturent laissant la nature reprendre ses droits. 
Pourtant, merci la vie ! La couleur des sentiments n'est pas que sombre et au détour d'un petit sentier, des descendants dégustent un buffet froid en l'honneur d'un ancêtre aimé. Les égarés qui passent sont conviés avec chaleur à la cérémonie, sans autre de forme de procès et partagent devant  la tombe un verre de cognac et un morceau de canard. Le temps d'une photo, le danger qui menace Bukit Brown Cemetery, une fois passé Qing Ming, est oublié mais bientôt les bulldozers écraseront ce lieu modeste qui n'avait pour ambition que d'offrir une paisible dernière demeure aux morts du siècle passé. Demain le bruit des voitures couvrira les cris des macaques et il ne restera plus alors qu'à se souvenir des belles choses...

PS : Karin en parle ici.


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