mardi 28 septembre 2010

Romantisme

Au Mid-Autumn festival, on fête la lune sous toutes ses formes : on mange des mooncakes, on allume des lanternes et on partage des pomelos dont la forme ronde symbolise l'harmonie familiale. Si après le 22 septembre, date de la pleine lune, il est trop tard pour manger (et surtout acheter!) des mooncakes, les lanternes de Chinatown restent encore allumées jusqu'au 11 octobre et celles du Chinese Garden devaient s'éteindre le 26 septembre. Dimanche, en fin d'après-midi, entre chien et loup (ou si l'on s'adapte entre gekko et varan), faisant fi de l'heure d'un coucher scolairement correct, nous avons embarqué les enfants, leurs lanternes et un couple d'amis stoïquement "baby-proof" pour une petite virée dans les allées de ce jardin un peu excentré qui jouxte le Japanese Garden. Dernier jour oblige, de nombreux visiteurs, notamment indiens, arpentaient les chemins qui étaient illuminés par une multitude des classiques lanternes rouges chinoises. Les lanternes en forme de Lotus du lac le paraient d'une joaillerie éphémère et scintillante dont les reflets devaient perturber carpes monstrueuses et tortues nourries au pain par des visiteurs compatissants.
Cachée par quelques sournois nuages, la lune ne nous a pas fait l'honneur de la présence mais pourtant, selon l'une des versions de la légende qui entoure le Mid-Autumn Festival, nous aurions pu y apercevoir le visage de la belle Chang Er.
En effet, il y a bien longtemps la terre et ses habitants souffraient sous la chaleur et la lumière de 10 soleils. Un jour, la Reine du Ciel demanda à l'archer Hou Yi de sauver le monde, ce qu'il fit en tirant sur 9 des 10 astres. En remerciement, la Reine donna à l'habile archer une pilule d'immortalité. Malheureusement Hou Yi se révéla cruel et méchant envers le peuple et pour préserver la population de la méchanceté de son mari, la belle Chang Er avala à sa place la pilule d'immortalité. Son corps devint alors si léger qu'elle s'envola vers la lune, laissant son mari fou amoureux et incapable de tirer sur le satellite blafard.
Ceci étant dit, la lune doit être bien peuplée car les Chinois aimant bien les histoires et la morale, les contes foisonnent autour du Mid-Autumn Festival et, peut-être une autre fois, vous parlerais-je du lièvre et du bûcheron qui doivent faire causette, tout là-haut, à l'épouse esseulée. En y ajoutant Tintin, Milou, le Capitaine Haddock et Armstrong, ça commence à faire du monde !

Chinese Gardens, No. 1 Chinese Garden Road, Singapore 619795

mercredi 22 septembre 2010

Comme un avion sans ailes

La formule était alléchante, distribuée sur tous les abris de bus de la ville, une véritable aubaine pour une occupation de fin d'après-midi : un "kite festival" sur la Marina de Singapour. Nous embarquons donc les enfants pour cette attraction que j'imaginais basée sur des performances aériennes et vertigineuses de magnifiques et imposants cerfs-volants. Après un trajet assez peu efficace, la préparation du circuit du Grand Prix de F1 de Singapour ayant modifié les accès à la zone que nous voulions atteindre, nous avons finalement atterri sur le Marina Bay Promontory. A défaut d' impressionnants engins volants se trouvait une marée humaine courant après de minuscules "kites" avec des résultats très mitigés, le vent ayant décidé de ne pas accompagner "the full glory of these beautiful objects"(dixit le website). Muni des fameux "free goodies bag" que les vrais singapouriens (d'origine ou d'adoption) s'étaient empressés de récupérer dès l'ouverture de la manifestation et le ridicule ne tuant point, tout le monde avait l'air de bien s'amuser malgré les risques d'enchevêtrement de ficelles et de collisions de personnes, l'espace vital étant réduit à la portion congrue. En tout cas l'objectif affiché de convier les habitants de Singapour à pratiquer une activité sportive et ludique a visiblement été atteint, aidé par la totale gratuité de l'événement, la recherche du bon plan pas cher (ou "free of charge") étant au Singapourien ce que le saucisson est aux Français. Point de dragons géants ou de masques chinois grimaçants volant devant les gratte-ciels de la City, point de voltiges acrobatiques sur fond de Singapore River, juste des petits confettis multicolores aux ascensions hésitantes et chancelantes ... Tant pis ! Nous en avons profité pour marcher le long de la Marina (dont on peut faire, si on a le temps et le courage, le tour complet) en admirant le paysage urbain se découper sur le ciel lumineux de la fin de journée. Toujours aussi beau...

vendredi 17 septembre 2010

Mooncakes

Après le "Hungry Ghosts Festival", histoire de ne pas mourir de faim dans la communauté chinoise, on enchaîne sur le "Mid-Autumn Festival", également appelé "Mooncake Festival". Plusieurs légendes sont à l'origine de cette célébration qui dure 1 mois et anime avec moultes lanternes les rues de Chinatown.
Une légende raconte qu'au XIIIème siècle, les Mongols, menés par Gengis Kahn envahirent la Chine. Fomentant une révolte pour se débarrasser de leurs oppresseurs, les Chinois eurent l’idée de cacher leurs messages dans de petits gâteaux ronds qui furent envoyés à toutes les familles à l’occasion du Festival de la mi-automne, célébrant les récoltes. La 15ème nuit du huitième mois du calendrier lunaire, le peuple se souleva et tua les envahisseurs mongols dans leur sommeil.
Depuis, les mooncakes font l'objet d'un enjeu commercial non négligeable et les diverses patisseries et/ou grands hotels de Singapour se livrent une bataille sans merci pour proposer aux clients ces véritables bombes caloriques à se partager autour d'un thé. Les Chinois les apprécient à la pâte de lotus ou de haricot rouge avec au coeur un jaune d'oeuf salé qui symbolise la lune. En général, notre palais européen n'est pas tout à fait opérationnel pour apprécier ces saveurs et nous nous sommes rabattus sur des parfums moins traditionnels comme la pêche-melba, le champagne ou la mangue. Au vu des taux de sucre et de gras de ces gâteaux, mon maillot de bain et ma balance crient au scandale mais, heureusement, marketing alimentaire aidant, nous avons même pu acheter des "low sugar" mooncakes, soulageant ainsi notre "health conscience" ! Il ne restera plus qu'à recracher soigneusement tous les morceaux de Macadamia nuts pour que ces petits gâteaux deviennent "low fat"....

mardi 14 septembre 2010

Must

Ici, comme ailleurs, il y a des incontournables, les lieux à ne pas manquer, les adresses que l'on s'échange en disant "c'était géniaaaaal", les plats qu'il faut goûter : enfin tout ce qu'il faut mettre sur sa "to do" liste, celle qu'on utilise en général pour occuper enfants, mari ou estomacs désoeuvrés. Le week-end dernier, nous avons choisi une option délibérement dédiée aux adultes (en toute décence bien sûr) et visité, en une soirée et dans un but purement informatif pour vous lecteurs avides, deux bars. Vous voyez donc qu'on ne recule devant aucun sacrifice, au péril parfois de notre santé. A notre programme éclectique, les anges du Divine Bar et les cacahuètes du Long Bar du Raffles !
A notre arrivée au Divine Bar, nous nous sommes retrouvés dans une sorte de hall de gare à l'architecture stalinienne revue sauce Art Déco et dans lequel il n'y avait que 2 tables d'occupées sur la vingtaine que contenait la salle. Autant dire que la réservation que j'avais pris soin de poser 2 jours auparavant m'est apparue comme totalement dispensable. C'était donc bien trop calme, la musique lénifiante de fond n'ajoutant rien à l'ambiance quasi-gériatrique qui régnait dans le lieu. Heureusement, outre nos charmants convives (et malheureuses victimes de mon souhait de visiter ce fameux bar), il y avait pour alimenter la conversation et occuper les yeux (enfin surtout ceux d'un monsieur un peu libidineux au bar) les envols répétés d'une jolie fille dont le métier d'ange consiste à ranger et extraire les bouteilles de vin d'une "cave" de 12 m de haut, le tout dans le chuintement du treuil auquel est suspendue la belle.... Des prix à la hauteur du plafond et un spectacle amusant sans être bouleversant... Comme dirait l'autre, veni, vidi, vici...
Nous avons donc poursuivi notre chemin vers le tout proche hotel Raffles et son fameux "Long Bar". Là, la prise de risque est maximale car il faut évoluer avec élégance et délicatesse sur le sol glissant recouvert des traîtresses enveloppes de cacahuètes que les clients jettent traditionnellement au sol en consommant le célèbre cocktail Singapour Sling, très rouge, très sucré, pas très bon. Une ambiance nettement plus animée, une salle pleine et Tina Turner en fond (très) sonore grâce à la voix magnifique d'une toute petite Asiatique accompagnée par un musicien au brushing rappelant de façon assez criante un hérisson permanenté nous ont permis de passer un bon moment et de rentrer, des cosses de cacahuètes encore collées aux vêtements, dans un taxi qui nous a trouvées "very happy, lah !".

Divine Bar, Parkview Square lobby, 600 North Bridge Road
Long Bar, Raffles Hotel Singapore, 1 Beach Road.

samedi 11 septembre 2010

Expatisation

Après la pédicure (pour l'instant en suspens pour cause d'accident de tongs !), la pratique (molle) des shopping-malls, ça y est, je viens de franchir une étape décisive dans ma métamorphose en femme d'expat' : je suis devenue officiellement une "Ma'am", à savoir l'employeur d'une employée à domicile, autrement appelée "Maid" de façon usuelle, "Helper" pour le politiquement correct, "Nounou" affectueusement ou "Bonne" si on n'est vraiment pas sympa.
En arrivant à Singapour, j'avais fait le choix de me débrouiller toute seule. Je parvenais, en France à m'occuper, en travaillant, de 3 enfants, d'un mari, d'un chat et d'une maison. Bien évidemment, le soir, c'était un poil chargé mais ici, à Singapour, sans boulot, cela me semblait tout à fait envisageable de gérer, en autonomie, le quotidien. Néanmoins, afin de ne pas devenir dingue m'épanouir, il me fallait dégager, dans mon emploi du temps de maman, quelques plages de solitude pour découvrir Singapour/avoir une vie sociale/faire du sport/faire des courses/lire etc... Si le problème des grands était solutionné par la scolarisation, le cas d'Eloi était plus ardu car Singapour n'est pas Paris et le système relatif à la garde de la petite enfance n'a rien à voir avec celui de la France, perfectible certes mais, en comparaison, déjà pas si mal.
Après 6 mois-test un peu très contraignants, force nous a été de constater que la vraie vie d'expat exigeait une certaine disponibilité et, courageux comme toujours, nous n'avons pas reculé devant la seule alternative consensuelle tant au niveau des expatriés que des locaux : la Maid à qui l'on délègue toutes les tâches du quotidien. Depuis, le monde des possibles nous est ouvert : un resto en amoureux, une course, une séance de footing ou un tennis, un moment de glande sauvage sans (ou presque) de culpabilité, plus rien ne nous fait peur !!!
Si ma conscience continue d'émettre des réticences quant aux conditions de vie et de travail des helpers et à leur assujettissement à l'employeur (cautionné par le gouvernement singapourien), je mesure quotidiennement le luxe de cette liberté acquise pour un salaire qui me semble dérisoire en regard des sacrifices consentis par ces filles pour faire vivre, dans leur pays, une famille et, souvent, leurs propres enfants.
Quand je vous dis qu'on a de la chance....

mardi 7 septembre 2010

Que d'eau !

Singapour est une ville dépourvue de ressources naturelles : pas de matières premières, pas de pétrole et en particulier pas d'eau douce sous forme de nappes phréatiques. Alors, pour ne pas faire de l'or bleu un éventuel nerf de la guerre avec la soeur-ennemie qu'est la Malaisie, l'île s'est dotée des moyens nécessaires pour minimiser sa dépendance hydrique. Ses quatre sources d'approvisionnement en eau potable sont l'importation, la récupération de l'eau de pluie grâce à 15 réservoirs alimentés par les canaux et les fleuves, le recyclage des eaux usées (NEWater) et enfin la désalinisation de l'eau de mer.
Le 15ème et plus récent réservoir est le Marina Reservoir fermé par le Marina Barrage, au Sud de Singapour, créant ainsi une frontière entre les eaux douces de la Singapore River et de la Kallang River et l'eau salée de la Mer de Chine. Le Marina Barrage s'incrit dans une pluri-objectivité visant à fournir de l'eau aux Singapouriens assoiffés comme une alternative nettement plus ragoûtante que la Newater (vous boiriez l'eau de votre douche ou de vos toilettes, vous ?), à contrôler les crues soudaines et à offrir un lieu de vie attractif.
Ouvert au public, le Marina Barrage symbolise et présente au travers d'une exposition permanente à la communication très efficace (et c'est un euphémisme) tous les efforts réalisés et les résultats obtenus par le gouvernement singapourien pour tendre vers une autonomie en eau douce tout en mettant en œuvre le fameux "développement durable", sésame souvent galvaudé des appels à projets mais qui semble dans ce cas précis , plutôt bien exploité. En l'occurence et bien que je sois incapable de mesurer l'impact économique du Marina Barrage, certains effets environnementaux et sociaux concomittants à la recherche de l'indépendance hydrique semblent visuellement évidents :
- pour l'éducation de nos enfants, une galerie d'exposition très pédagogique expliquant tenants et aboutissants de la politique de l'Eau à Singapour (ne pas rater la maquette reconstituant le fonctionnement du barrage avec pluie et marées) ;
- pour la santé de la planète et celui du porte-monnaie du contribuable singapourien, un toit végétalisé contribue à la fraîcheur du bâtiment, des panneaux solaires fournissent l'énergie nécessaire à la galerie d'exposition et des panneaux incitant à ramasser ses déchets fleurissent en de multiples endroits ;
- pour le bien-être des citoyens (pouvant influer sur la réelection du gouvernement en place), une aire centrale où petits et grands s'ébattent dans des fontaines à la fraîcheur attractive, le sus-dit toit sur lequel pique-nique et cerf-volants sont les bienvenus et un plan d'eau où pratiquer divers sports nautiques.
Le tout se situe dans un bâtiment à l'architecture résolument moderne en forme de 9, ce chiffre symbolisant en chinois la longévité et augurant, pour les générations à venir, d'une production durable d'eau douce. On jouit du rez-de-chaussée ou du toit d'une très belle vue sur le Central Business District et sur le tout nouveau Marina Bay Sands, hotel monumental en forme de bâteau et équipé notamment d'une piscine de 150 m de long. De l'autre côté, c'est la mer constellée des incontournables porte-containers.
Tout au long de notre visite, rondement cornaqués par un guide à l'argumentaire bien rodé, démonstration nous a été faite de l'excellence singapourienne tant sur le plan de la scénographie que des présentations de projets réalisés ou en cours comme, par exemple, la future autoroute sous-marine de Singapour ! Malgré ce parti-pris courant à Singapour auquel les Français sont en général peu réceptifs et souvent dubitatifs, il faut bien admettre que le speech était instructif sans être rébarbatif. Pas sûr que les enfants aient tout compris mais après avoir passé une heure à jouer tout habillés dans les jets d'eau aléatoires de la cour centrale (avec retour en slip et culotte dans la voiture sans clim'), il est clair que l'enjeu d'amusement a été clairement atteint !

jeudi 2 septembre 2010

Ruralité

S'il y a bien un truc que je savais ne pas pouvoir trouver à Singapour, c'était l'agriculture. Et oui, avec 5 millions d'habitants sur 700 km² (ce qui en fait le 2ème pays le plus densément peuplé au monde après Monaco), l'espace est une denrée rare et il n'est évidemment pas envisageable de pratiquer l'élevage extensif ou d'avoir des parcelles de grande culture. Face à ce constat, c'est très simple : la majorité des produits alimentaires consommés à Singapour est importée de Malaisie, de Thaïlande pour les plus proches mais aussi de Chine, d'Australie de Nouvelle-Zélande, des Etats-Unis, voire même d'Europe... Et dans ce dernier cas, la seule évocation de son empreinte carbone sufffirait à faire rougir une tomate Roma venue de son pays d'origine, son prix ayant plutôt tendance à vous faire virer au vert.
Cependant, il existe encore à Singapour une petite agriculture que je qualifierai d'anecdotique voire uniquement décorative dans certains cas, la technologie pouvant y tenir une certaine place. Ainsi Kranji Countryside, petite zone verdoyante du nord-ouest de l'île, a conservé un certain nombre de fermes qui produisent des orchidées, des fruits bio, des légumes en aéroponie, des oeufs, des poissons ou bien encore du lait. Alors pour satisfaire soif de ruralité, curiosité et remédier à l'ennui bien connu du dimanche matin, nous sommes partis le week-end dernier visiter trois de ces fermes dès potron-minet (à vrai dire, 10h30 car l'inertie familiale est assez conséquente).
Dans la catégorie "Niche commerciale" : la HayDairies Goat Farm produit du lait grâce à 1000 chèvres (et quelques boucs fort odorants) dans un système exclusivement hors-sol. Autant vous dire que côté caprins, c'est assez dense et il n'y a pas un brin d'herbe pour égayer le lieu. José Bové en aurait avalé sa moustache. Ayant raté la traite (entre 9 et 11h) qui, je pense, doit être le seul élément intéressant de la visite, nous avons poursuivi notre chemin.
Dans la catégorie "Inédit" : les visiteurs de la Jurong Frog Farm sont accueillis par le concert de croassements des milliers de crapauds aux cuissots développés qui pataugent nerveusement dans des piscines carrelées, soigneusement dépourvues de toute végétation. Saoûlés par la musique un peu binaire, nous avons poursuivi notre route.
Dans la catégorie "Calme" : au bruit des grenouilles, c'est le silence de la MaxKoi Farm qui a succédé. Cette ferme piscicole abrite, dans un lieu très graphique et paisible, des bassins bétonnés bourrés de grosses carpes ornementales blanches, rouges ou dorées. Là encore, plus de technicité que de verdure. Après nous être ressourcés aux glous-glous de l'eau soigneusement aérée des mares des Koi, nous avons conclu notre tournée agricole et fini la journée dans notre piscine, heureux comme des poissons dans l'eau.

HayDairies Pte Ltd, number 3 Lim Chu Kang, Agrotech Park Lane 4.
Jurong Frog Farm,56 Lim Chu Kang Lane 6.
Max Koi Farm, 251 Neo Tiew Crescent.