Il est gris et un peu vieillot. Le conducteur sort la tête par la fenêtre pour mieux voir les aiguillages et le contrôleur note la gare d'arrêt de tous les passagers. Les portes entre les voitures claquent et les suspensions se rappellent aux oreilles des passagers tout au long du trajet. Les wagons-lits, summum du luxe, sont des dortoirs de couchettes à l'intimité préservée par des rideaux d'un marron indéfinissable. Rien de commun avec le TGV, on ne va pas vite, on s'arrête souvent, parfois dans une gare, parfois au milieu de rien pour laisser passer un autre train sur l'unique voie, parfois aussi pour réparer. Quoi ? On ne sait pas, il n'y a pas de haut-parleur alors tant pis, on se rendort sans savoir et ce n'est pas bien grave. Au petit matin, les palmiers émergent doucement de la brume et le disque brillant du soleil derrière les nuages cherche à nous faire croire qu'il est la lune. Sous nos roues, une rivière aux eaux boueuses apparaît, un pêcheur sur la rive lance sa ligne, un grand échassier s'envole lorsque notre fracas l'atteint. De-ci, de-là, des bicoques aux toits de tôle, des maisons ou la lune et le croissant d'une mosquée nous donnent des signes d'urbanisation. La Malaisie se dévoile doucement entre papayers, mobylettes et palmeraies. Quelques minutes avant notre arrêt, le contrôleur vient nous avertir... Heureusement car nous n'avons pas vu un seul panneau. Les vacances commencent, les yeux sont un peu cernés mais c'était un peu l'aventure : c'était excitant, c'était le train de nuit !
Un peu d'histoire ? Jusqu'au début du 20e siècle, Singapour n'était accessible qu'en bateau depuis Johor Baru en Malaisie. La construction du "causeway" au dessus du détroit de Johor dans les années 1920 permit au chemin de fer de s'établir dans l'île. Selon un acccord échu en mai 2010 entre la Malaisie et Singapour, les terrains sur lesquels passent les rails et la gare appartiennent pour encore quelques mois à la société d'exploitation du rail malaisienne KTM. A partir du 1er juillet 2011, la gare de Tanjong Pagar repassera en territoire singapourien et ne sera plus qu'un vestige d'une histoire ferroviaire commune entre les deux pays. Il faudra alors aller à Woodlands pour prendre le train pour la Malaisie. Cette modification des infrastructures s'inscrit dans la poursuite logique de la séparation de Singapour d'avec la Malaisie en 1965 et la recherche d'une indépendance à tout prix par rapport à cette nation soeur-ennemie.
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